LATÉRALITÉ – LATÉRALISATION – RELATÉRALISATION
On compte environ 10 % de gauchers dans la population française (chiffre qui peut varier selon les pays en fonction des différences d’acceptation sociale). La latéralisation est un processus qui permet à l’enfant, au travers de multiples expériences sensorielles et motrices, d’acquérir sa latéralité c’est à dire le choix de sa main dominante.
Ce processus ne concerne pas uniquement la main, il concerne aussi le pied, les yeux et les oreilles.
De façon simplifiée on peut dire que les hémisphères cérébraux fonctionnent de façon croisée : l’hémisphère droit commande la partie gauche du corps et inversement l’hémisphère gauche commande la partie droite.
L’ambidextrie désigne une personne habile de ses deux mains de manière équivalente, il représente un pourcentage très faible de la population.
On parle de latéralité contrariée au sujet des gauchers qu’on a obligé à écrire de la main droite.
Chaque personne n’a pas forcément une latéralité homogène, on peut avoir l’œil droit directeur et être gaucher. Ce processus s’élabore au gré de multiples facteurs : sociaux, culturels et psychologiques (identification à un parent le plus souvent)
ÉVOLUTION DE LA LATÉRALITÉ selon Chevalier 2006
0 à 4 ans : Acquisition de la prévalence (exploration de l’objet à l’aide des deux mains)
9-12 mois : Coordination bimanuelle (l’utilisation de la main de support permet la réalisation de l’action par la main mobile)
14-24 mois : Utilisation combinée des deux mains; latéralisation bimanuelle
2-4 ans : instabilité de la latéralité
4-6 ans : Prise de conscience de la dominance latérale; la dominance s’installe. L’enfant utilise son côté dominant.
6-7 ans : Intériorisation des deux côtés du corps, de la symétrie du corps et identification gauche-droite sur soi.
7-8 ans : Représentation et identification droite-gauche sur autrui. Représentation mentale d’une action sans se déplacer réellement. Réversibilité de la pensée (pensée opératoire).
9-12 ans : Latéralité représentée et projetée en l’absence de l’objet ou de la personne.
Un enfant mal latéralisé va avoir plus de difficultés pour apprendre à écrire. D’où l’importance, en maternelle, de multiplier les expériences motrices et sensorielles, travailler la motricité fine pour que la main dominante coïncide avec celle qui tient l’outil scripteur.
Quel que soit sa latéralité, la tenue du crayon est identique.
Par contre, le déplacement de l’outil scripteur diffère puisqu’un gaucher rapproche son coude du corps quand un droitier l’écarte. Voilà aussi pourquoi il est nécessaire qu’un gaucher penche sa feuille davantage qu’un droitier, cela lui permet de dégager son coude.
COMMENT DÉTERMINE-T-ON LA LATÉRALITÉ D’UNE PERSONNE ?
Les professionnels s’appuient la plupart du temps sur des tests. L’un des plus connus est celui élaboré par Marguerites AUZIAS et son équipe (1975) . Le test consiste à proposer une série de manipulations et d’épreuves de dextérité manuelle. On affecte à chaque épreuve un coefficient plus ou moins élevé qui permet de calculer son quotient de latéralité. Lorsque le quotient de latéralité est supérieur à 20 l’enfant est considéré comme franchement droitier , s’il est supérieur à -20 il est franchement gaucher. Une personne ambidextre aura un quotient de latéralité autour de 0.
A l’école les enseignants sont confrontés dès la maternelle à cette problématique. Chargés d’enseigner l’écriture, il est primordial pour eux de savoir avec qu’elle main l’enfant va s’entrainer à écrire. La première chose à faire sera d’observer les élèves dans les tâches de la vie quotidienne de l’école, celles qui nécessitent de la force, de la précision ou encore de la rapidité.
Il est très important de laisser l’enfant utiliser ses deux mains librement à l’école maternelle et de ne pas vouloir à tout prix déterminer une main dominante. Si la latéralité n’est pas clairement établie cela signifie que le processus de latéralisation n’est pas encore achevé.(cf supra « évolution de la latéralité » )
COMMENT AIDER ET DÉVELOPPER LE PROCESSUS DE LATÉRALISATION ?
C’est par la multiplicité des actions motrices que l’enfant pourra installer sa latéralité.
Les habiletés manuelles : La classe (et la maison) regorge d’activités permettant de consolider ou d’aider au processus de latéralisation : jeux de construction pour travailler la force et la coordination œil/main, jeux de balle et de quilles pour viser avec précision, modelage pour acquérir du tonus dans les doigts, enfilage de perle, couture, cuisine.
Le schéma corporel : il se construit par maturation des centres nerveux mais aussi en grande partie par les expériences vécues. Il est donc primordial d’offrir au jeune enfant des activités corporelles. Les déplacements divers – ramper, marcher à quatre pattes, marcher accroupi, etc. – aident à la latéralisation.Les jeux tels que « Jacques-à dit » ou des jeux chantés et mimés comme « Savez-vous planter les choux » sont de bons moyens d’aborder les différentes parties du corps.
Les mouvements croisés ont également un effet positif sur la latéralisation. Ils permettent la mise en place d’une bonne coordination ainsi que l’intégration des réflexes primitifs (du RTAC en particulier) si importants pour la lecture qui nécessite des mouvements oculaires de gauche à droite en passant par la ligne médiane et pour l’écriture, un mouvement de translation du bras, de gauche à droite, également en passant la ligne médiane.
Se repérer dans l’espace : Plus l’enfant est capable de bien se situer dans l’espace et de situer des objets par rapport à lui, plus le processus de latéralisation sera facilité. Il pourra aussi mieux repérer sa gauche et sa droite.
Toutes ces habiletés nécessitent que le sujet ait une bonne vue.
LA RELATÉRALISATION
Au cabinet, au moindre doute concernant la latéralité d’un enfant, nous procédons à un test de latéralité (Test d’Auzias). S’il s’avère que la main utilisée pour écrire n’est sans doute pas la bonne, nous proposons une relatéralisation. Celle-ci ne peut se faire qu’avec l’accord de l’enfant et du parent.
En règle générale on mène dans un premier conjointement la rééducation avec les deux mains. Il est primordial de rester très à l’écoute de l’enfant et de son ressenti. On changera progressivement de main, d’abord à la maison lors des exercices de rééducation puis en classe. Cette rééducation mettra beaucoup l’accent sur les mouvements croisés de manière à fluidifier les allers-retours entre les deux hémisphères cérébraux.
POUR ALLER PLUS LOIN
– Une épreuve simple pour évaluer la préférence manuelle chez l’enfant à partir de 3 ans.M. de Agostini- G Dellatolas. In Enfance Tome 41 n°3-4.1988. p139-147
– Juan de Ajuriaguerra : Les gauchers – PUF, 1963
– Marguerite Auzias : Enfants gauchers, enfants droitiers – Delachaux 197
– Azemar G : La latéralité chez l’enfant et l’adoleJuan de scent – Editions universitaires, Paris, 1969
– Fagard J. : Développement des habiletés de l ’enfant : coordination bimanuelle et latéralité. Paris, CNRS éditions, 2001